Un bon petit déjeuner avant d'aller travailler...

7h30 du matin. Julian était déjà debout depuis deux heures, il était matinal. Après une bonne heure et demie de préparatifs (le temps de prendre une douche, de se raser de près, de se coiffer, se parfumer, repasser sa chemise, cirer ses chaussures et enfiler un beau costume nickel) il avait pris un dossier sur son bureau impeccablement rangé, avait ouvert un tiroir pour emporter aussi un carnet avec une couverture en cuir noir, et était sorti de chez lui pour aller prendre son petit-déjeuner dans un coffee-shop à deux pas de chez lui.

C'était sa petite tradition du lundi matin : il prenait toujours son petit-déjeuner dans ce petit restaurant qui ne payait pas de mine, tous les lundis, toujours à la même heure, à la même table, avec le même menu.
Il s'était donc installé à sa place habituelle avec son café, ses beignets au chocolat, son petit verre de jus d'orange et un petit bol de graines de tournesol pour son rat. Le reste de la table était jonché de divers formulaires, photographies, questionnaires et divers papiers. Son dossier de la semaine, qu'il prenait toujours le temps d'examiner et de classifier le lundi matin.

Julian but la dernière gorgée de son café, s'alluma une cigarette puis ouvrit le petit carnet de cuir. Il l'ouvrit à une nouvelle page et y inscrivit la date du jour, suivie des informations suivantes :

7h-8h30 : Petit-déjeuner au Starblock coffee. Menu habituel. Nouvelle serveuse. Graines un peu trop salées selon Sark. Café un peu tiède.
Travaille sur l'affaire Johnny Snow, aquarya de Downtown Street. Opération de destruction prévue pour mercredi. Doit régler les derniers détails de coordination des équipes.

Julian avait pris l'habitude de noter tout ce qu'il faisait dans ses petits carnets à reliure de cuir. Il accumulait des dizaines de carnets, depuis l'adolescence. Toute sa vie y était contenue, dans les moindres détails. Mais tout y était inscrit de manière objective, sans interprétation. Des faits, rien que des faits, jamais de sentiments. Rarement.

Tu sais que tu n'as pas besoin de ça... Si tu perds la mémoire, je te raconterais tout.

C'était la petite voix de son daemon qui venait d'interrompre son éternel rituel d'écriture. Julian soupira, et répondit avec lassitude :

On en a déjà parlé. On ne sait pas comment tu réagiras si cela se reproduit. Mieux vaut prévenir que guérir.
- Je trouve quand même que tu préviens un peu trop...

Ils avaient encore passé une nuit dehors. Depuis combien de temps Valdo n'avait pas voulu remettre les pieds au Manoir ? Une semaine ? Peut-être plus... Keïta poussa un long soupir de résignation et se tourna vers le Furya.
Il semblait avoir bonne mine.
-Tu as bien dormi ?
-Oui, pourquoi ? Pas toi ?

Elle l'ignora. En réalité, la nuit avait été assez agité. Dormir près d'une boîte de nuit n'était pas la plus brillante des idées... Quelques soûlards étaient venus régler leur différents à quelques mètres d'eux et la louve avait été incapable de fermer l’œil. Ils se dirigeaient à présent vers un petit café où Keïta espérait pouvoir se reposer un peu. Valdo préférait en général les hôtels, pour pouvoir profiter des douches, mais aujourd'hui c'était elle qui décidait. Et il allait devoir se satisfaire des toilettes du café !
Elle poussa de la patte la porte d'entrée. Valdo entra à sa suite en baillant bruyamment.
-Je croyais que tu avais bien dormi ?
-'Bien' ne veut pas dire 'assez'.
La louve alla s'installer au pied d'une des table tandis que le Furya se dirigeait vers les toilettes du café d'un pas nonchalant, les mains dans les poches de son jean. Il s'installa devant le lavabo et ouvrit sa veste. Ses poches intérieurs étaient une véritable caverne d'Ali Baba. Quand on passait sa vie dehors, il fallait être équipé en conséquence !
Il sortit d'une des poches un kit d'hygiène miniature. Il se débarbouilla et se brossa les dents sous les yeux ébahis des clients occupés aux urinoirs. Il leur adressa un sourire amusé et rangea son attirail. Il réajusta finalement ses vêtements et sortit des toilettes pour rejoindre Keïta. Cette dernière n'avait d'ailleurs pas attendu qu'il arrive pour commander. Il la trouva à laper avec avidité dans un grand bol de lait frais. Il s'assit à son tour devant une tache de thé.
-Je croyais que tu ne voulais plus en boire ?
-J'aime ça. Et puis, c'est toi qui payes. Alors pourquoi je m'en priverais ?

Valdo rit et avala une gorgée de thé. Le liquide lui brûla légèrement la gorge. Il souffla doucement sur la tasse puis avala une deuxième gorgée. Reposant la tasse, il observa avec attention le café. Il ne se souvenait pas y être déjà entré. Son amie avait visiblement envie de changement... Il n'y avait pas beaucoup de monde. Son regard se posa sur une table sur laquelle s’amoncelait de nombreux papiers. Il haussa un sourcil surpris et hocha la tête.
-Et oui, Valdo. Certains travaillent...pas comme toi...
Ignorant la remarque de son amie, il sortit son téléphone de sa poche pour lire ses messages. Deux. De deux jeunes Furyas qui lui donnaient de leur nouvelles. Tout semblait aller pour le mieux pour eux. Il sourit en remettant le cellulaire à sa place et reprit sa tasse.